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dimanche 16 novembre 2008

Les mouvements et « écoles »

Un mouvement au cinéma peut être entendu comme une manière de ressentir l’œuvre. Heinrich Wölfflin les appela initialement « bouleversements du sentiment décoratif[66] ». Gilles Deleuze a remarqué, dans son livre L’Image mouvement, que les mouvements cinématographiques marchaient de pair avec les mouvements en peinture[67]. Le cinéma classique visait à rendre claire la relation entre l’action et la réaction, mais de nouveaux mouvements naquirent.
Affiche du film expressionniste Le Cabinet du docteur Caligari

Au début des années 1920, l’expressionnisme, en peinture, déforme les lignes et les couleurs pour affirmer un sentiment[68]. Au cinéma, il s’exprimera principalement par un jeu typé des acteurs et par l’opposition de l’ombre et de la lumière[69]. L’expressionnisme confronte ainsi le bien et le mal, comme dans Le Cabinet du docteur Caligari, de Robert Wiene, l’un des premiers films expressionnistes[70]. Ce mouvement s’est développé en Allemagne, ce pays qui se remettait peu à peu de la guerre, mais ne réussissait pas à rivaliser avec le cinéma hollywoodien[71]. C’est alors que les réalisateurs du studio allemand Universum Film AG développent une méthode pour compenser ce manque, via le symbolisme et la mise en scène. Le côté abstrait des décors provenait donc, en premier lieu, du manque de moyens[71]. Les principaux thèmes de ce mouvement était la folie, la trahison et autres sujets spirituels, se différenciant ainsi du style romanesque-aventure du cinéma américain[72]. Cependant, l’expressionnisme disparut progressivement[72], mais il fut utilisé dans les films policiers des années 1940 et influença le film noir et le cinéma d’horreur[69].

Vient alors l’abstraction lyrique, qui, à la différence de l’expressionnisme, mélange lumière et blanc[73]. Il n’y a plus de conflit, mais la proposition d’une alternative[74]. Cette alternative se présente différemment chez les cinéastes, elle est esthétique et passionnelle chez Josef von Sternberg et Douglas Sirk, éthique chez Carl Theodor Dreyer et Philippe Garrel, religieuse chez Robert Bresson, ou un mélange de toutes ces formes comme dans l’œuvre d’Ingmar Bergman[75]. Dans l’abstraction lyrique, le monde se déploie souvent à partir d’un visage[75]. S’ensuit alors un jeu de lumière mettant en valeur les traits, ou conduisant dans un univers personnel. Dans Shanghai Gesture, Sternberg dit : « tout peut arriver à n’importe quel moment. Tout est possible. L’affect est fait de ces deux éléments : la ferme qualification d’un espace blanc mais aussi l’intense potentialité de ce qui va s’y passer[76] ».

Dans les années 1950, le cinéma moderne désenchaîne l’image de l’action. Il est né de la désarticulation des choses et des corps, après la guerre[77]. Il s’oppose aux traditions auparavant établies. Le cinéma moderne préfère la vision cinématographique : l’image n’est plus forcée de trouver son sens et son but, elle est libre. Dans L’Heure du loup, d’Ingmar Bergman, Johan Borg, joué par Max von Sydow, dit : « maintenant le miroir est brisé, il est temps que les morceaux se mettent à réfléchir[78] ». Le cinéma moderne brise la représentation classique de l’espace, une nouvelle idée de la forme naît.

Dans le même temps, de 1943 à 1955, le néoréalisme prend forme en Italie[79]. Il se présente comme le quotidien en l’état, il se voit comme un milieu entre scénario et réalité. Les films de ce mouvement sont donc souvent des documentaires[80]. Ce sont des personnes dans la rue qui sont filmées, plus des acteurs[80]. Ce mouvement est né aussi de la conclusion de la Seconde Guerre mondiale et du manque de moyen de financement[81]. Ici, le réalisateur ne porte plus son attention sur la personne, mais sur l’ensemble : l’individu ne peut pas exister sans son environnement[80]. De plus, plutôt que de montrer quelque chose, on préfère la narrer. Selon André Bazin, le néoréalisme ressemble à une forme de libération, celle du peuple italien après la période fasciste[82]. D’un autre côté, Gilles Deleuze voit le néoréalisme comme une démarcation de l’image-mouvement et de l’image-temps.
Un homme et une femme de Claude Lelouch

Toujours dans les années 1950, est ensuite apparue la Nouvelle Vague, terme énoncé la première fois dans L’Express par Françoise Giroud[83]. Ce mouvement se distingua des précédents par une vitalité qui déclencha un renouveau du cinéma français[84]. La Nouvelle Vague cherche à inscrire le lyrisme dans le quotidien et refuse la beauté de l’image[85]. Avec la Nouvelle Vague, les nouvelles technologies permettent une nouvelle manière de produire et de tourner un film : l’arrivée de la caméra Éclair 16 utilisant le format 16 mm, légère et silencieuse, permet des tournages en extérieur plus proche du réel[86]. La rupture entre le cinéma tourné en studio et le cinéma tourné en extérieur est notamment mise en valeur dans La Nuit américaine de François Truffaut, filmé en 1973. Le mouvement de la Nouvelle Vague déclenche aussi la transgression de certaines conventions comme la continuité, par exemple dans À bout de souffle de Jean-Luc Godard, ou encore le regard caméra, si longtemps interdit. Dans cette optique, les cinéastes visaient à mettre en valeur la réalité : les souvenirs surgissent entrecoupés, jamais de façon nette et ordonnée.

Puis un nouveau mouvement apparaît : la résistance des corps. Ce qui change, en comparaison avec les mouvements précédents, c’est la prise de vues du corps, qui est filmé avant sa mise en action, et comme un corps qui résiste[87]. Le corps, ici, n’est plus un obstacle qui séparait auparavant la pensée d’elle-même, au contraire, c’est ce dans quoi elle va pour atteindre la vie[88]. En quelques sortes, le corps ne pense pas, il force à penser, à réagir face à la vie. Gilles Deleuze déclarera :

« Nous ne savons même pas ce que peut un corps : dans son sommeil, dans son ivresse, dans ses efforts et ses résistances. Le corps n’est jamais au présent, il contient l’avant et l’après, la fatigue, l’attente. La fatigue, l’attente, même le désespoir sont des attitudes du corps[87]. »

La résistance des corps est remarquable dans l’œuvre de John Cassavetes où la caméra est toujours en mouvement, parallèle aux gestes des acteurs. À travers l’image, le spectateur cherche les visages, les corps dans de longues séquences. De même, le rythme n’est plus égal à la capacité visuelle du spectateur. Il répond, comme dans l’art informel, à la constitution d’un espace du toucher, plus que de la vue[87]. Dans le cinéma de Maurice Pialat, qui filme à vif un homme et cherche à montrer l’essentiel, dépourvu de tout esthétique, pour y exhiber la vérité intime de son personnage, il dira « le cinéma c’est la vérité du moment où l’on tourne »[89]. Par contre, le dialogue reste omniprésent dans la résistance des corps, toujours moyen d’expression important dans le film[87]. Cependant, il n’explique pas les sentiments des personnages, il fait avancer l’action, mais pas l’évolution des personnages dans cette action[88].

Dans les années 1990, les Danois Lars von Trier et Thomas Vinterberg lancent le Dogme95, en réaction aux superproductions et à l’utilisation abusive d’effets spéciaux aboutissant, selon eux, à des films formatés et impersonnels[90]. Via un manifeste, ils définissent des contraintes pour la réalisation de films dans le cadre de ce mouvement radical.

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source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Oeuvre_cin%C3%A9matographique

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